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Bouddhisme au féminin - Partageons nos aspirations, nos questionnements, nos compréhensions

 

 

Visite de la vénérable Tenzin Palmo en France :

organisée par Sakhyadhita France

- Lettre de Jetsumna Tenzin Palmo traduite en français

- Appel à la générosité des ami(e)s de la nonnerie fondée par la vénérable Tenzin Palmo

- Enseignement (1ère partie)

- Enseignement (2ème partie)

 

 

Jetsunma Tenzin Palmo Bouddhisme au feminin

 

Chers ami(e)s et sympathisant(e)s,

 

Joyeux Losar 2009 !

Avec les nonnes et personnel de la nonnerie Dongyu Gatsal Ling, je souhaite à vous tous dans le monde entier une Très Joyeuse Année du Buffle de la Terre.

Depuis que j’ai commencé à rassembler des fonds pour un projet de nonnerie, nous avons reçu un soutien merveilleux et des encouragements de la part de beaucoup de monde dans beaucoup de pays.  Au début, mon projet de nonnerie me paraissait comme un rêve. Je n’étais pas un Lama tibétain, et je me suis demandé comment je pourrais susciter, soit de l’intérêt, soit des fonds pour ce projet destiné à des nonnes.  Mais en fait, de nombreux et généreux donateurs m’aidèrent à concrétiser mon rêve. Aujourd’hui, notre nonnerie DGL est presque terminée, et plus de 50 nonnes du Tibet et des régions frontalières de l’Himalaya se consacrent à l’étude des enseignements bouddhistes académiques dans notre centre des Etudes ou à la pratique de longues retraites méditatives dans notre centre de retraites.

Il est merveilleux d’être capable d’offrir à ces jeunes femmes l’opportunité de réaliser leur potentiel intellectuel et spirituel pour le bien d’elles-mêmes et des autres.   Ceci ne n’aurait pas été possible sans votre générosité et votre soutien réguliers.

A présent, nous sommes en train de construire le temple principal qui constituera le cœur de notre nonnerie.  Bien sur, c’est une entreprise difficile et coûteuse, puisqu’un temple a besoin d’une décoration et d’un ameublement spécifiques, y compris des statues, des trônes, et des fresques.  Néanmoins, c’est un acte hautement méritoire de soutenir la construction d’un temple – le dépositaire des Trois Joyaux – et, par conséquent, une excellente façon de commencer la nouvelle année ! 

Si vous voulez avoir plus d’informations concernant tout ce qui est nécessaire pour le temple, veuillez, s’il vous plaît, consulter notre site Internet : www.tenzinpalmo.com

Les nonnes et moi-même vous gardent tous dans nos cœurs et nos  prières et vous remercient pour votre soutien continu et de votre aide généreuse en faisant de notre nonnerie  Dongyu Gatsal Ling un lieu de vie et de formation si dynamique.

Nous vous offrons nos meilleurs vœux de bonne santé, de bonheur et de progrès spirituels pendant l’Année du Buffle de la Terre.

Dans le Dharma,

Tenzin Palmo

 

Appel à la générosité des ami(e)s de la nonnerie fondée par la Vénérable Tenzin Palmo


En 2000, Jetsunma créa le couvent de DGL dans l'état de Himachal Pradesh en Inde. Son but était de permettre à des moniales de Drukpa Kagyu de développer leur potentiel intellectuel et spirituel après des siècles de négligence de l’éducation des filles.

Aujourd’hui, plus de cinquante moniales vivent, étudient et travaillent à DGL et leur nombre s'accroît chaque année. La construction des bâtiments et les frais de fonctionnement sont entièrement pris en charge par les contributions volontaires des personnes du monde entier qui partagent la vision de Jetsunma pour le développement spirituel des nonnes.

Etant donné que les nonneries tibétaines, surtout en exil, ne peuvent pas dépendre du soutien des familles locales et des laïcs, le défi consiste à trouver des moyens suffisants pour nourrir et vêtir la communauté monacale et préserver l'institution.

Après le voyage européen de 2009, Jetsunma consacrera son temps aux activités nécessaires au fonctionnement de la nonnerie ainsi qu’à sa pratique personnelle, et par conséquent, ne voyagera plus pour enseigner et recueillir des dons. C'est pourquoi, à l’occasion de cette dernière tournée d’enseignement à l’étranger de Jetsunma Tenzin Palmo, nous
sommes heureux d’annoncer le lancement d’une campagne de Dotation en soutien à la nonnerie de Dongyu Gatsal Ling afin d’assurer à cette institution pour nonnes une croissance durable et un avenir sûr.


Parrainer une moniale


Actuellement, les nonnes sont soutenues grâce à la gentillesse des parrains ou des marraines. L’argent reçu est placé dans une caisse commune pour assurer tous les besoins de la communauté comme la nourriture, les vêtements, les médicaments et les matériels éducatifs. Les nonnes vivent le plus simplement possible.
La marraine ou le parrain reçoit une lettre personnelle de la part de la moniale soutenue, avec sa photo et quelques mots sur sa vie. Les moniales apprécient de recevoir des lettres de leurs marraines et elles prennent plaisir à leur répondre. Elles leur écrivent aussi au moment du Losar, la nouvelle année tibétaine.

Une contribution de € 365, (c'est-à-dire de 1 euro par jour), couvre les frais d'une année entière pour une nonne.


La Campagne de Dotation

Nos sympathisant(e)s partout dans le monde sont la clé de l'avenir de Dongyu Gatsal Ling. Par conséquent, nous faisons un appel à tous nos ami(e)s pour établir le Fonds de Dotation qui assurera l’éducation et formation de ces moniales bouddhistes pour le bénéfice du Dharma et de la société toute entière.

Voir le site de Jetsunma Tenzin Palmo pour les détails pratiques d'un don.

 


Les Enseignements de Gatsal - 19ème édition Lettre d’informations du monastère Dongyu Gatsal Ling Janvier 2007


Dépasser les préjugés et l’égocentrisme (1ère partie)


Nous devons être pleinement conscients que, tous les gens que nous rencontrons, sont exactement comme nous : ils veulent être heureux.


Peut-être devrions-nous débuter cette conférence en parlant de l’égocentrisme. La glorification actuelle de l’individu en Occident constitue une des différences entre la société moderne occidentale et les sociétés traditionnelles qui subsistent encore, dans une certaine mesure, dans certaines parties d’Europe et d'Asie. C'est un phénomène très intéressant. Je ne pense pas que ce phénomène se soit déjà produit dans notre histoire – il est toutefois difficile de savoir s’il s’agit
d’une évolution ou d’une régression. Mais il s’agit certainement d’une déviation, déviation dont nous ne sommes pas complètement conscients puisque nous sommes nés dans cette culture.

Quand on naît dans une société traditionnelle, dès le départ, on fait automatiquement partie d'un très large réseau. En général, ce réseau n'a rien à voir avec la nationalité. Notre première pensée n'est pas "Je suis australien(ne)" ou "Je suis indien(ne)". Notre première pensée se dirige vers notre ville, vers notre cadre social particulier dans cette ville, et vers notre famille. C'est à cela qu’on s'identifie. C’est vraiment un réseau familial. Maintenant, faire partie d’un réseau familial,
cela n'inclut pas seulement nos parents, nos frères et soeurs, mais aussi nos cousins, nos tantes, nos petits cousins et nos cousins éloignés. Par exemple, si nous sommes indiens et que nous allons dans un autre endroit en Inde, nous avons toujours de la famille quelque part – même si un mariage a eu lieu sept générations avant, nous, les descendants, formons toujours une même famille. Nous avons toujours cette base, ce réseau de personnes avec qui nous sommes connectés d’une manière ou d’une autre, même si c’était il y a des générations. Le sentiment d'appartenance à ce grand réseau est important et nous soutient. C'est difficile de passer à travers les mailles ; il y a tellement de gens pour nous soutenir et qui vont prendre soin de nous.

D’un côté, nous sommes en sécurité car nous appartenons à ce réseau, à cette infrastructure familiale - en Inde, c’est la caste, ailleurs, c’est le clan. Cependant, nous avons également des responsabilités et des obligations envers cette famille, envers cette caste, envers ce clan ; nous avons un sens de l'honneur envers la famille à laquelle nous appartenons. Même dans les castes inférieures, on respecte les règles, les conventions et les manières de se comporter qui sont considérées comme naturelles par sa caste. Et dans la structure familiale, on sait où est sa place. Quand nous étions petits, nous devions respecter, honorer et servir nos aînés, que nous les aimions à titre personnel ou non. Nous leur appartenions, et ils nous appartenaient ; nous avions des devoirs. Nous les servions, nous prenions soin d'eux et ils prenaient soin de nous. Puis, si nous étions une fille, on nous mariait et nous quittions la famille, et si nous étions un garçon nous amenions quelqu'un dans la famille. Nos devoirs, les comportements à adopter envers notre entourage, en fonction de notre tranche d'âge et de notre statut social restent intangibles. Tout ça est très normé et très clair. Cela donne un sentiment de sécurité, d'appartenance.

Bien sûr, le coté négatif c’est que nous devons plus ou moins faire ce que l'on nous dit de faire. On doit remplir certaines obligations. On n’est pas indépendant(e), particulièrement en ce qui concerne le mariage. En Inde, les mariages sont généralement arrangés et on n'a pas le choix. On considère que, lorsque nous arrivons à l’âge de nous marier, cet âge correspond précisément à la période où nous avons le moins de discernement pour choisir la bonne personne avec qui nous marier. Nous sommes plus enclin(e)s à être submergé(e)s par nos hormones que par le bon sens ! C'est pourquoi, nos parents ayant plus d'expérience que nous et n’étant pas impliqués émotionnellement, notre famille juge plus sage de choisir quelqu’un qui nous convienne, à la fois socialement et du point de vue astrologique.

Comme on peut le voir, l’appartenance à ce large réseau familial comporte des bons et des mauvais cotés. Ce n'est pas uniquement un modèle asiatique, ça existait aussi en Europe il y a encore 100 ans. C’est sécurisant parce qu’on sait comment se comporter envers ses aînés, envers ses égaux et envers ceux qui nous sont inférieurs. On sait agir de manière appropriée, que l’on aime ou non notre statut, que l’on aime ou non la personne que nos parents ont choisie pour nous.

En Occident, cette structure traditionnelle a presque totalement disparu dans les dernières générations. Dans l’ancien temps, les souhaits et les désirs d’une personne étaient soumis aux souhaits et aux désirs du groupe dont elle faisait partie. Le plus grand crime était de se rebeller contre çà et de mettre en avant ses désirs personnels quand ils n'étaient pas conformes aux intérêts du groupe. De la même manière, le pire des cauchemars était d’être exclu(e) de la structure familiale, d’être renvoyé(e) et rejeté(e). Parce qu’alors on n’avait plus de système de protection ; on n'appartenait à rien. On était dans le vide, isolé(e) et vulnérable.

Aujourd'hui nous avons le culte de l'individu. Ce qui compte c’est l'individu ; c'est l'individu qui a le droit de contrôler sa vie entière, même très jeune - et avez-vous remarqué que c'est de plus en plus jeune? Ce contrôle est donné à des personnes si jeunes et si inexpérimentées qu'elles ne peuvent avoir la sagesse de préserver leurs propres vies. De nos jours, chacun, même à un très jeune âge, possède un fort sentiment de lui-même, mais est dépourvu du sens de l'interconnexion avec les autres.

Traditionnellement, les enfants étaient élevés dans le respect naturel de leurs parents et de leurs professeurs, et ils ne remettaient jamais ces choses en question. Je connais des tibétains qui ont des parents très difficiles et très égoïstes, mais qui les aiment malgré tout. Ils respectent leurs parents et ils se montrent compréhensifs et pleins d’empathie envers leurs problèmes. Ils savent que leurs parents ont leurs défauts, mais peu importe, ils restent quand même leurs parents. Ils sont, malgré tout, la mère, le père qui leur ont donné la vie et les ont éduqués. Sans ces parents, ils n'existeraient pas dans ce monde. Alors ils se montrent reconnaissants. Cette reconnaissance, cette capacité à apprécier les personnes, fait souvent défaut dans notre société moderne. De nos jours, les gens sont rarement reconnaissants – on pense que l’on peut tout faire tout(e) seul(e). Mais en fait personne ne peut tout faire tout seul ; nous sommes tous dépendants les uns des autres.

Maintenant c’est la société du chacun pour soi. L’important, c’est ce que je veux. Il y a peu de bienveillance, de compréhension, de prévenance pour les désirs des autres ; on fait peu attention au fait que ce que nous voulons peut heurter quelqu’un d’autre. On pourrait penser, à bon droit, qu’on devrait être totalement comblé(e)s puisque c’est le règne du « tout pour moi, tant pis pour les autres - chacun pour soi ! » On est maintenant libres de faire tout ce qu’on veut. Pensez-y : on a assez de nourriture, on a un logement, on a plein de vêtements et on est libre. On peut faire tout ce qu’on veut, pourquoi alors ne sommes-nous pas parfaitement heureux ? Pourquoi le taux de suicide est-il si élevé parmi les jeunes qui ont tant combattu pour obtenir cette liberté qui devait les rendre éternellement heureux ?

Qu’est-ce qui n’a pas fonctionné ? Notre société de consommation voue un culte à l’individu, particulièrement à l’individu qui réussit. Pour réussir, nous devons faire ce que la société nous dicte. Nous devons nous habiller d’une certaine manière, nous devons manger le même type de « malbouffe », nous devons boire, fumer et avoir l’air cool. Après, nous réussirons, nous aurons plein d’amis et nous serons heureux pour toujours. Mais ça ne marche pas. Pourquoi ?

D’une certaine manière, cette mise en avant exagérée de « moi, moi, moi », « mes volontés, mes désirs, tout pour moi » ne fonctionne pas. Les personnes qui sont vraiment malades mentalement sont, en règle générale, obsédées par elles-mêmes – c’est l’une des façons de voir qu’elles ne vont pas bien. Elles ne peuvent pas parler d’autres choses que d’elles-mêmes. Elles sont fascinées par elles-mêmes, tout ce qui les intéresse, c’est leurs soucis, leurs problèmes psychologiques, les évènements terribles qui leur sont arrivés pendant leur enfance ou leurs affreuses histoires de couple. Elles sont tellement obsédées par elles-mêmes qu’elles ne peuvent penser pas à autre chose. Si vous essayez de changer de sujet, de l’élargir, elles s’ennuient tout de suite et reviennent vite au «moi, moi, moi». C’est le signe d’une espèce de névrose.

Réfléchissez un peu à la société qui pousse à cela, qui nous encourage à ne penser qu’à : « Moi, moi, moi - mes volontés, mes désirs, mes ambitions, mes rêves - fonce et prends ce qui te fait envie. Ne pense à personne d’autre que toi, les autres ne comptent pas. » Si ça marchait, si ça nous rendait heureux, apaisés et comblés alors peut-être que ça serait bien. Mais ça ne marche pas, même quand on a l’air d’avoir réussi. Je rencontre beaucoup de gens qui en apparence ont l'air d’avoir réussi : ils ont de belles maisons, de grosses Mercedes, ils sont très beaux et très à la mode. Ils ont tout ce qu'ils pourraient désirer, mais ils ne sont pas heureux. Parlez avec eux cinq minutes et tout ressort : toute leur angoisse, leur insatisfaction, leur douleur - la façade qu'ils essayent de maintenir à tout prix et qui ne correspond en rien à ce qu’ils sont vraiment à l'intérieur. Mais ils ne peuvent pas en parler avec les autres parce que personne ne veut entendre parler de ça - chacun veut seulement parler de ses propres problèmes.

Peut-être qu’on ne se réalise pas vraiment en contentant nos propres désirs,
peut-être trouve-t-on le vrai bonheur en pensant aux autres.


Tout ce problème, que nous appelons égocentrisme, apparaît quand on devient obsédé par le «moi, moi, moi», en pensant que, si seulement on pouvait combler nos désirs insatiables, alors, au bout d’un moment, on y arriverait tant bien que mal et on serait heureux pour toujours, comme dans les contes de fées. Même lorsque j'étais petite et que je lisais des contes de fées où, à la fin, la princesse et le prince se retrouvent, se marient et ont beaucoup d'enfants, je me demandais toujours ce qui allait se passer après. Une fois la lune de miel passée, qu’allait-il arriver ? C'est alors que les ennuis débuteraient parce que la princesse et le prince avaient le plus souvent des personnalités incompatibles ! On pouvait s’en rendre compte dès le début !

Il se peut que nous recherchions le bonheur dans la mauvaise direction. La société nous dit que l'égoïsme nous apportera le contentement éternel, la joie et le bonheur, mais c'est le plus gros mensonge jamais raconté. Bien sûr que la société nous ment : elle veut que nous achetions des choses, que nous soyons comme des hamsters dans leur roue, à courir sans fin, jusqu'à ce que nous soyons épuisé(e)s, même si cela ne nous mène nulle part.

Le Bouddha a dit que les désirs sont comme l'eau salée ; plus on en boit, plus on a soif. Nous ne pouvons jamais étancher notre soif, nous sommes toujours plus assoiffé(e)s. Dans ces conditions, la voie du bonheur ne consiste peut-être pas à penser constamment à « Ce que je veux, mon bonheur, mon accomplissement, me réaliser ». Peut-être qu’on ne se réalise pas vraiment en contentant nos propres désirs. Notre véritable satisfaction se trouve peut-être dans une toute autre direction. On la trouve peut-être quand on laisse tomber notre obsession du «moi» et du « mien ». Peut-être trouve-t-on le vrai bonheur en pensant aux autres.

Notre société, à cause de son culte de l'individu, crée cet épouvantable problème de l’aliénation. Quelqu'un a écrit un livre intitulé Alone with Others (NdT : Seul parmi les autres). Ce titre résume très bien ce problème. Nous passons notre temps à sortir ensemble, à aller boire un verre, à être avec nos copains et nos copines, à aller à des soirées, à traîner avec nos ami(e)s, mais il y a toujours ce sentiment de relations superficielles, de solitude même parmi les autres. C'est
généralement pour cette raison que les gens se retrouvent pour boire : ils essayent de noyer leur solitude parce qu'ils ont peur, parce qu'ils se sentent coupés du monde. Les jeunes sont particulièrement pris là-dedans parce qu'ils se sentent si seuls. Ça peut être très douloureux de penser qu’on n’est pas comme les autres, qu’on n’est pas conforme au standard défini par la société. Chaque année, on se doit de suivre la tendance, et les gens font comme ils peuvent pour s’y conformer. Puis l'année suivante, on doit adopter un autre style et acheter une nouvelle garde- robe. Même les alter mondialistes se ressemblent tous – il est très difficile de trouver quelqu'un qui soit vraiment original.

Un coeur ouvert est un coeur heureux
même quand il absorbe les souffrances des autres.

Quoi qu'il en soit, le fait est que nous sommes pris dans ce cycle et que nous sommes totalement absorbés par la recherche de notre bonheur. Nous essayons d’obtenir tout ce qui nous fait envie afin de devenir quelqu’un qui a réussi dans ce monde. Ce faisant, nous devenons de plus en plus étrangers à nous-mêmes. C'est un paradoxe. La raison pour laquelle les gens se sentent à ce point malheureux et isolés, ce n'est pas simplement parce qu'ils sont coupés de la société, mais c’est parce qu'ils sont coupés de leur être véritable. Ils agissent selon les désirs déformés de l'ego. Cet ego qui nous domine est comme une araignée qui tisse sa toile autour de nous, de façon à nous couper de plus en plus de notre être véritable. Et plus nous sommes coupés de notre être véritable, plus nous nous sentons aussi coupés de tous ceux qui nous entourent. Nous devons donc revenir à la maison – rentrer chez nous au vrai sens du terme, parce ce que, en ce qui concerne notre psychisme, nous sommes tous à la rue.

La méditation est l’une des façons d'apprendre à « rentrer à la maison » - à découvrir notre être véritable. Quand nous commençons à prendre contact avec notre être intérieur, nous découvrons que cet être n'est pas « moi » ou « ce qui est à moi ». C'est ce qui nous relie aux autres êtres. En fait nous ne sommes pas dissociés ; nous sommes tous reliés les uns aux autres très profondément. Plus nous explorons l’intérieur de nous-mêmes, plus nous rayonnons vers l’extérieur. Il y a plusieurs manières d’y arriver, j'aimerais en suggérer deux que nous pouvons tous intégrer dans notre vie de tous les jours. Il y a l'inspiration : la méditation où l'on commenceà enlever les multiples couches de nos fausses identifications. Mais il y a aussi l'expiration, à savoir : nous relier davantage aux autres, avec sens et compassion. Nous devons simplement réaliser que chacun(e) d’entre nous n’est qu’une personne parmi des milliards d'autres et que les autres ont autant d’importance que nous.

Comment nous relions-nous aux autres? La première chose à faire serait peut-être d'arrêter de nous soucier de ce que les autres pensent de nous. Une fois de plus, ce n’est qu’une maladie de l'ego,. Qu’est-ce qu’on en a à faire de ce que les autres pensent de nous ? Ils ne se préoccupent pas vraiment de nous, ils se préoccupent simplement de ce que nous pensons d'eux !

Ce que je veux dire, c’est que nous n’avons pas à nous soucier de ce que les autres pensent de nous car ils sont encore plus soucieux de ce que nous pensons d'eux. De notre côté, ce que nous devons faire, c’est être pleinement conscient(e) que les autres sont là et réaliser qu'ils sont comme nous. Tous les gens que nous rencontrons, au fond, nous ressemblent : ils veulent être heureux, ils ne veut être pas malheureux. Tout le monde veut être heureux, quelle que soit sa définition du bonheur. Mais nous sommes dans une telle confusion que souvent, en essayant de trouver le bonheur, nous générons plus de souffrance, pour nous-mêmes et pour notre entourage. Notre chaos intérieur provoque cette souffrance, même si ce n’est pas notre intention. Notre intention est de créer du bonheur. C’est pourquoi nous devons en être conscient(e)s, chaque fois que nous rencontrons quelqu'un.

Nous avons tous un point commun : nous voulons tous être heureux. Pas seulement les êtres humains, mais aussi les animaux, les insectes, les oiseaux, tous les êtres. Tous les êtres veulent être heureux. Aussi, quand nous rencontrons quelqu'un, nous devrions avoir cette pensée à l'esprit : «Puisses-tu être en paix et heureux(se)». Nous n'avons pas besoin de la dire à voix haute, ressentons simplement ce sentiment de bienveillance dans nos coeurs. Que nous appréciions ou non cette personne ne doit pas rentrer en ligne de compte.

Un coeur heureux est un coeur ouvert aux autres, quelle que soit la façon dont ils nous traitent. Si nous nous relions aux autres en partant du coeur, si nous voulons leur bonheur sans nous soucier de savoir si eux nous rendent ou non heureux(ses), si nous souhaitons simplement de bonnes choses aux autres, alors, lentement, notre coeur commencera à s'ouvrir. Et un coeur ouvert est un coeur heureux même quand il absorbe la souffrance des autres.

(La suite dans la 20ème édition des enseignements de Gatsal)

Tenzin Palmo

 

 


Les Enseignements de Gatsal - 20ème édition Décembre 2007

Dépasser les préjugés et l’égocentrisme (2ème partie)

Un esprit qui est obsédé par lui-même, qui est contrôlé par l’ego,
est un esprit rigide, prompt à la critique et encombré de préjugés…
un esprit réellement éveillé reste serein, sans préférence ni aversion.


Sa Sainteté le Dalaï Lama rencontre des gens tous les jours : des tibétains fraîchement arrivés en Inde qui viennent lui raconter les histoires atroces de leurs souffrances ainsi celles de leurs familles et de leurs communautés. Jour après jour, il doit écouter ces récits. Il est le chef du Tibet mais il est impuissant, imaginez alors la peine qu’il ressent. En plus, depuis qu’il est considéré comme une personne emblématique de la paix, il est en contact avec d’autres organisations humanitaires et d’autres communautés dans de nombreux pays. Chaque jour, il entend des histoires poignantes du monde entier. Sa Sainteté est continuellement assiégée par des gens venus non seulement du Tibet, mais aussi d’Inde et du monde entier ; beaucoup d’entre eux viennent pleurer sur son épaule, du coup, il est toujours interpellé par les problèmes des autres. Mais est-il pour autant malheureux ? Si on lui raconte quelque chose de triste, il pleure parce qu’il est réellement touché par ce qu’on vient de dire. Mais la minute suivante, il rit de nouveau ! Regardez ses yeux : ils pétillent. Sur la plupart des photos du Dalaï Lama, il sourit. Un esprit qui est obsédé par lui-même, qui est contrôlé par l’ego – ce qu’il aime, ce qu’il n’aime pas, ses croyances, ses penchants et ses idées sur ce que les choses ou les gens devraient ou ne devraient pas être - est un esprit rigide, prompt à la critique et encombré de préjugés. Nous avons tous un tel esprit ! Nous absorbons les préjugés avec le lait de nos mères. Même ceux qui se sont mis à l’écart de notre société ont de forts préjugés. En fait, ils sont souvent les plus rigides de tous ! Les gens qui vivent dans les sociétés alternatives ont aussi leurs propres croyances, leurs idées, leurs jugements et leurs normes ! Ils ne sont pas libres.
Notre esprit est extrêmement conditionné. D’une certaine manière, tant que nous ne sommes pas complètement éveillés, nous ne pouvons avoir qu’un esprit conditionné parce que c’est là notre façon habituelle de penser. Mais nous devrions être conscients que nous avons énormément de préjugés, de jugements sur tout et sur rien. Chacun(e) a ses opinions. On pense : « c’est mon opinion » mais généralement ce n’est pas le cas. Soit c’est l’opinion générale des médias ou d’une émission que nous avons vue à la télévision la veille et qui a été réalisée avec soin pour nous convaincre du bien-fondé de ce point de vue ; soit c’est l’avis du groupe de personnes que nous fréquentons. Malgré tout, nous acceptons cette opinion comme étant la nôtre. Nous y tenons fermement et nous pensons qu’il s‘agit de la vérité et que tout le reste est faux. Puis, quelques années plus tard, l’opinion générale change, et tout le monde va dans une autre direction. C’est très intéressant à voir. Quand on avance en âge, on peut constater que c’est ce qui se passe.
Lorsqu’on est jeune, on imagine que ce que l’on pense est la seule vérité et que quiconque pense différemment est fou. La mode actuelle devient la vérité suprême et définitive, et tout ce qui s’est passé avant est démodé et stupide. Puis, peu de temps après, tout change à nouveau et le style que nous avions est démodé. Vous les jeunes, attendez donc un peu ! Votre façon de vous habiller maintenant vous fera éclater de rire dans dix ans! Lorsque, plus tard, vous regarderez des photos de vous, vous penserez, « Est-ce que je me suis vraiment habillé(e) comme ça quand j’avais cet âge ? Mon Dieu ! ». Mais à cette époque-là, c’était le top du top !
Nous sommes toutes et tous encombrés de préjugés, de partis pris, rempli(e)s d’opinions et de jugements, qui sont, en général, non vérifiés et qui nous viennent, en général, soit de notre famille et de notre milieu social, soit des livres que nous avons lus ou des émissions que nous avons regardées.

Nous examinons très peu nos d’opinions à la lumière de la raison et de la compréhension. Mais quand nous tenons à une idée, nous sommes prêts à mourir pour elle ! Des gens meurent pour leurs idées à tout moment et pas parce que ces idées sont particulièrement brillantes. Au contraire, elles sont souvent stupides ! Ces opinions, ces croyances et ces tendances à juger colorent tout que nous voyons. Elles sont loin d’être anodines et inoffensives.”
Certaines opinions sont inoffensives : par exemple, mettre ou non du sucre dans son thé, manger ou non uniquement des céréales ou des fruits. Ces opinions peuvent affecter notre corps mais elles sont, pour l’essentiel, inoffensives. Toutefois, il y a des préjugés qui sont très nocifs pour notre esprit et pour la société, les plus évidents d’entre eux sont les préjugés religieux et raciaux. Ils ont causé tant de mal dans notre monde. Des millions de gens sont tués pour la seule raison qu’ils ne partagent pas nos croyances ou parce qu’ils sont d’une autre race. Ce ne sont pas des personnes foncièrement mauvaises, mais « Si vous ne croyez pas à ce que je crois, alors vous méritez de mourir». Elles sont loin d’être anodines et inoffensives.”
En fait, nous n’analysons pas du tout la plupart de nos propres croyances et préjugés. D’ou viennent-ils ? Les avons-nous réellement étudiés ? Avons-nous discuté, en toute intelligence, avec des personnes qui ont des opinions différentes des nôtres ? Avons-nous lu des livres sur d’autres façons de penser ? Le plus souvent, on ne lit que les livres qui renforcent nos croyances. On ne s’intéresse pas aux livres ou aux émissions qui expriment un point de vue différent. Si on entend quelqu’un dire une chose avec laquelle nous ne sommes pas d’accord, on le regarde d’un œil encombré de préjugés. Il est très intéressant d’observer cet esprit de parti pris parce que nous filtrons tout le temps nos expériences, et que, par ailleurs, cela nous éloigne de la réalité de ce qui se passe autour de nous.

Nous devons incarner une manière de vivre qui nous montre le chemin du retour à la maison, du retour à notre vraie identité

Alors, que devons-nous faire ? Tant que nous sommes dans un état d’aveuglement, nous ne pouvons vivre sans opinions ni sans croyances. Le fait même que je sois une moniale bouddhiste indique que j’ai des opinions et croyances ! Mais il nous faut comprendre qu’il ne s’agit que de croyances, que d’opinions. EIles n’ont pas, en elles-mêmes, de vérité absolue. Ce sont juste des jugements et des idées qui peuvent changer. Certaines idées perdurent depuis des millénaires et doivent absolument être réexaminées. Certaines qualités que nous avons toujours admirées (qu’elles soient admirables ou non) devraient être examinés d’un œil neuf même si elles ont perduré tout ce temps. L’important, c’est de ne pas nous identifier à nos pensées et à nos sentiments, mais de comprendre que les pensées et les opinions sont simplement des facteurs mentaux. Même un système de croyances n’est qu’un objet mental artificiel.
A propos du Dharma, le Bouddha a dit : « C’est un radeau, un bâteau. Il peut vous amener de la rive de la réalité relative à la rive de la réalité absolue ». Maintenant, pendant que nous sommes au milieu du fleuve, nous serions fous d’abandonner le radeau, mais une fois que nous serons arrivés de l’autre côté du fleuve, il serait également insensé de mettre le radeau sur nos épaules et de continuer à le porter par respect. Lorsque nous avons atteint l’autre rive, nous n’avons plus besoin du radeau. Le Dharma n’est qu’un outil ; c’est le chemin, mais ce n’est pas le but.
Tous les systèmes de croyances et les religions sont tout simplement relatifs. En eux-mêmes, ils ne sont pas la vérité mais ils peuvent nous aider à comprendre la vérité. Ce serait difficile d’atteindre la réalisation spirituelle sans eux. Nous pouvons peut-être réussir à l’entrevoir, mais il est assez difficile de stabiliser cette expérience sans une espèce de discipline spirituelle. A la fin, même les opinions et les idées les plus élevées et les plus nobles doivent être laissées de côté. En attendant, nous devons comprendre que tous nos préjugés, toutes nos conceptions, tous nos penchants devraient être regardés comme de simples phénomènes éphémères. En eux-mêmes, ils n‘ont pas de validité ultime ; ce ne sont que des états mentaux et non pas « moi » ou « les miens ».
Nous pensons tous qu’un esprit véritablement illuminé ne ferait pas de distinction entre les personnes. Nous savons qu’un maître qui incarne réellement la sagesse et la compassion serait totalement ouvert et qu’il accepterait tout le monde. Comment un maître illuminé peut-il dire : « Oui, j’accepte cette personne-ci mais je n’accepte pas cette personne-là » ? Ce n’est même pas imaginable. Par conséquent, plus nous fermons notre coeur à certaines parties de la société, à certains groupes religieux, à certaines races, moins nous incarnons notre véritable nature illuminée. Plus nous nous sentons rigides et prompts à la critique, plus nous sommes pris dans nos préférences et nos aversions, plus nous sommes loin d’un état illuminé, parce que l’état illuminé n’opère aucune distinction entre les personne


Revenons une fois encore sur cette question de l’ego. L’ego nous fait complètement perdre le nord. Dans une société comme la nôtre, à ce point fondée sur la satisfaction égoïste de nos désirs, nous sommes loin du chemin de la vérité. C’est pourquoi les gens se sentent souvent à ce point vides et perdus. Nous devons incarner une manière de vivre qui nous montre le chemin du retour à la maison, du retour à notre vraie identité, pour que nous puissions vivre selon notre véritable nature et non pas selon cet ego trompeur.
Selon le Dharma, il y a 2 moyens pour y arriver. Le premier moyen est celui de l’introspection : apprendre à calmer l’esprit, à le concentrer sur un seul point. Ensuite, nous devons examiner la nature même de l’esprit, de manière à pouvoir distinguer le vrai du faux. Ainsi, nous pouvons commencer à laisser tomber toutes nos fausses identifications, et plus particulièrement notre très forte identification à l’ego.
Dans le même temps, nous pouvons aussi commencer à nous ouvrir aux autres à travers la générosité : non pas seulement en donnant des choses matérielles, mais aussi en donnant du temps, en donnant de la compréhension, en donnant de l’air, en étant présent quand les autres ont besoin de nous. Nous cultivons petit à petit nos capacités à ne pas juger, à être ouvert(e), à être patient(e), à être compréhensif(ve), à être tolérant(e), à ne pas réagir avec colère quand les choses ne vont pas comme nous voulons ou quand les autres ne font pas ce que nous voulons. Nous apprenons peu à peu à accepter les choses, à intégrer les difficultés de la vie, en les utilisant avec habileté au lieu de réagir de manière nuisible et de nous mettre en colère. Nous développons la bonté - ce que le Dalaï Lama appelle le cœur généreux - un cœur qui se soucie des autres et non pas uniquement de lui-même.

Il y a des personnes qui sont extrêmement soucieuses des animaux sauvages, des arbres, de notre environnement. C’est fantastique. Mais quelquefois ces mêmes personnes sont grossières avec leurs parents et leur causent beaucoup de chagrins et de soucis. Nous devons commencer à l’endroit où nous sommes, et avec les personnes qui sont autour de nous ; ça commence par nos parents, nos conjoint(e)s, nos enfants et nos collègues. Rendons-les heureux ! Pratiquons la bonté, la générosité, l’amour, la tolérance envers celles et ceux qui sont autour de nous, avec qui nous travaillons, que nous rencontrons. Soyons simplement là pour eux, soyons gentil(le) s avec eux, pensons qu’eux aussi veulent être heureux. Essayons de ne causer aucune souffrance à quiconque. Essayons de rendre les autres un peu plus heureux: un sourire ou un mot gentil peuvent avoir un profond impact. Arrêtons d’être si égocentriques. Pensons aux autres. Ce que nous désirons n’a pas tant d’importance que ça.
Très souvent, pour trouver notre bonheur, nous faisons tant d’efforts pour obtenir ce que nous désirons que nous en oublions de penser à ce que les autres désirent et comment nous pouvons les rendre heureux. L’ironie, c’est que nous touchons au bonheur quand nous pensons vraiment plus aux autres qu’à nous-mêmes. Un jour, on découvre en se réveillant qu’on est heureux sans même avoir recherché son bonheur. C’est un des paradoxes de la vie : moins nous pensons à nous-mêmes, plus nous pensons aux autres et plus nous serons globalement heureux. Plus nous sommes obsédés par notre propre bonheur et plus nous nous moquons de ce que vivent les autres, plus nous nous rendons malheureux, et plus notre entourage souffre également.
Il y a tant de choses que nous pouvons faire. Tout d’abord, nous pouvons commencer par essayer de rendre heureuses les personnes qui sont autour de nous. C’est notre défi.

Il est beaucoup plus facile de nous asseoir et de penser, « Que tous les êtres vivants, partout, soient en paix et heureux ! » Et lorsque nous pensons à ces chers kangourous, opossums et autres wallabies qui sautillent ici ou là, les larmes nous viennent aux yeux. Mais nous nous mettons en colère si notre mère veut que nous fassions la vaisselle juste au moment où nous nous apprêtions à sortir. Et pourtant, notre mère est un être sensible, notre conjoint(e) est un être sensible, nos enfants sont des êtres sensibles : Ce sont eux les êtres vivants, juste en face de nous. C’est à eux que nous devons souhaiter d’être en paix et d’être heureux.
Dans la tradition tibétaine, quand nous méditons sur tous les êtres vivants, nous visualisons notre père à droite, notre mère à gauche et nos ennemis devant nous. Nous plaçons en face de nous tous ceux que nous n’aimons pas, suivis par notre famille et nos amis. C’est habile parce que cela nous rappelle que ce ne sont pas uniquement les êtres vivants en général - ces petits points à l’horizon - qui sont importants, mais plutôt les personnes au côté desquelles nous vivons. Ce sont ces personnes dont nous parlons, celles avec qui nous sommes en contact et avec qui nous avons un lien karmique. Qu’on les aime ou non, ce sont des êtres sensibles qui veulent être heureux et c’est notre responsabilité de les rendre heureux.

Revenons sur le sujet par lequel nous avons débuté, à savoir le sentiment d’appartenance qui nous unit à notre famille et à notre groupe, et plus largement à notre culture. C’est très important. Il nous faut trouver un équilibre entre la complète soumission aux règles parentales et groupales et une liberté si grande que nous ne sommes plus reliés à rien. Pour atteindre cet équilibre, il y a un moyen : développer notre stabilité intérieure. A partir de là, nous pouvons commencer à rayonner vers l’extérieur, vers tous les êtres de notre entourage. Nous ne nous sentons plus isolés parce que nous savons, au plus profond de nous-mêmes, que nous sommes reliés à ces êtres. Nous ne nous inquiétons plus de ce que les autres pensent de nous ; nous nous inquiétons seulement de la manière dont nous pouvons aider les autres.

La société est devenue tellement insatisfaisante. Elle ne nous donne pas ce qu’elle a promis de nous offrir. Elle ne nous donne pas le bonheur éternel ou la joie paisible. Elle ne nous offre que des sentiments de désespoir, de séparation, de frustration ainsi qu’un désir, avide et puissant, qui ne peut jamais être comblé, nous laissant un grand vide dans le cœur. Beaucoup de gens croient que rien n’a de sens et ils perdent complètement espoir. Il y a tant de dépressions - regardez combien de personnes sont sous traitement de type Prozac. Les tibétains n’ont même jamais entendu parler d’une chose comme le Prozac.

Nous pouvons faire tant de choses.
Tout d’abord, nous pouvons commencer par essayer de rendre heureuses les personnes qui sont autour de nous.
C’est notre défi.


Par conséquent, c’est à nous d’agir. Personne ne peut le faire à notre place. Chacun(e) d’entre nous est responsable de sa propre vie, c’est à nous de la stabiliser et de bien la mener. Les méthodes sont là, mais nous seul(e)s pouvons les mettre en oeuvre. Lorsque notre esprit est clair, lorsque nous regardons vraiment toute chose avec clairvoyance, alors tout se met en place. Ensuite, ce que nous devons faire apparaît comme une évidence. Mais personne ne peut le faire à notre place. C’est comme nager à contre-courant. La société suit le courant, vers l’aval, vers les marécages, vers les terres incultes du désespoir. Si nous allons dans cette direction, c’est là que nous ferons naufrage. Il nous faut donc nager à contre-courant et cela demande beaucoup d’efforts. Donc, nous allons à contresens du courant général mais, curieusement, cela ne nous égare pas.


Une fois que nous nous connectons à notre stabilité intérieure, d’une manière ou d’une autre, loin d’être déconnecté(e)s de tous les êtres autour de nous, nous nous sentons intimement et profondément relié(e)s à eux. Quand nous sommes capables de mener notre vie de manière juste, nous devenons alors capables d’aider et de guider les autres. Nous attirons les personnes qui partagent notre état d’esprit et qui commencent, elles aussi, à mettre en question les mentalités actuelles. Bientôt, nous goûterons peut-être la compagnie et l’amitié de nombreuses personnes avec qui nous serons en affinité.
Le Bouddha a énormément fait l’éloge de l’amitié.
Il y a un curieux dialogue dans les Soutras où Ananda, l’assistant du Bouddha, lui dit : « Je pense que l’amitié, c’est la moitié de la voie spirituelle.» Et le Bouddha répond : « Ne dis pas ça Ananda ; l’amitié, c’est la totalité de la voie spirituelle.» La compagnie de personnes qui encouragent, qui comprennent et qui aident est très importante. Dans notre vie, au fur et à mesure que nous progressons dans cette direction spirituelle nouvelle, ces personnes viennent à nous. Elles sont attirées comme des aimants.


Questions :
Q : J’ai une question concernant l’usage du mot « médias ». Vous avez généralisé en parlant des médias comme une force plutôt négative. Cependant, je me demande si ce terme général de médias ne devrait pas être remplacé par celui de « médias publicitaires » parce que les médias en eux-mêmes n’empêchent pas les gens de « nager à contre-courant » : on peut trouver des exemples où l’exposition aux médias nous permet un certain nombre de prises de conscience.
R : C’est exact, bien entendu. Par exemple, dans la presse et à la télévision, j’ai vu beaucoup de choses très belles, stimulantes et bénéfiques. Mais la tendance globale – qui représente un bon 90 à 95% des médias - est basée sur la diffusion de la mentalité consumériste. Certes, il y a des personnes pleines de bonté, responsables et dévouées qui écrivent et produisent des choses merveilleuses, mais elles ont tendance à être submergées par l’avalanche de toutes les autres choses que la majorité des gens regardent. C’est là le problème. On allume la télévision et la plupart des émissions sont des saletés abrutissantes Je pense qu’on s’en rend davantage compte quand on a un œil extérieur.
Dans notre monastère en Inde, nous n’avons pas de télévision, je ne vais pas au cinéma, je n’écoute pas la radio et le plus souvent je ne lis même pas les journaux. Par conséquent, nous ne sommes pas noyées chaque jour par le flot médiatique. Ainsi, quand nous venons dans un endroit qui y est soumis, nous portons un regard clair sur les choses. Et nous réalisons alors combien le niveau est épouvantable, et quels mensonges sont généralement propagés.


Q : Une des choses les plus difficiles dans mon travail est d’essayer de mettre au clair toutes les pensées qu'on a à propos de notre comportement par rapport au reste du monde, puis de remonter aux origines de ces pensées. Mais ce processus semble sans fin. Enfin, tout à coup, on arrive à une sorte de racine, et là une colère incroyable surgit : on résiste fortement. On a l’impression que nos problèmes, nos idées sont bien réels et solides.
R : La plupart des gens sont comme ça. Nous devons simplement nous connecter. Comme nous nous accrochons à nos préjugés, à nos idées et à nos opinions, nous pensons qu’ils sont « moi » et « les miens », en fait ce sont les supports de l’ego. Par conséquent, si nous enlevons les opinions et les jugements de l’ego, où est le « Je » ? Parce ce que c’est ce que je suis : je suis quelqu’un qui croit en ceci et en cela, et quand nous détruisons tout ceci et tout cela, nous n’avons plus rien pour nous soutenir. Par conséquent, il est clair qu'on défend ses idées jusqu’à la mort. C’est pourquoi, comme je le disais, il est très important de remonter jusqu’à la racine, puis de partir de là pour essayer d’aider les gens à aller dans une autre direction.

 

 

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